Comment se définit le harcèlement scolaire ?
Le harcèlement scolaire est une forme de violence répétée, verbale, physique ou psychologique, exercée sur un élève par un ou plusieurs de ses pairs. Il repose souvent sur le rejet d’une différence (apparence physique, sexe, handicap, etc.). Il se caractérise par la répétition des agressions et un déséquilibre de pouvoir entre agresseur(s) et victime, ce qui accentue l’isolement de cette dernière, impuissante à se défendre. Le harcèlement est insidieux car il peut se produire sans témoins ni présence d’adultes, mais ses conséquences peuvent être graves pour la santé mentale et physique de l’enfant.
Le phénomène peut débuter dès la maternelle, où des comportements de rejet ou d’exclusion, sous forme de moqueries ou de mises à l'écart, peuvent être observés.
Les cas deviennent cependant plus caractérisés dès le primaire, vers le CP ou le CE1, lorsque les interactions sociales se complexifient et que les enfants commencent à constituer des groupes. À cet âge, ils ont souvent davantage conscience de l’effet de leurs actions sur autrui et peuvent commencer à établir des relations de pouvoir ou de domination.
On constate également une banalisation de la violence verbale, chez les adolescents notamment : les moqueries et les insultes “pour s’amuser” mais qui répétées peuvent avoir un impact durable sur l'estime de soi et générer une souffrance. C’est souvent insidieux et ça peut provenir de l’entourage amical de l’adolescent qui encaisse alors parce qu’il ne se rend pas forcément compte que de telles paroles ne sont pas acceptables.
→ Statistique clé : Selon le baromètre annuel de l'association e-Enfance, les enfants de 6-10 ans sont les premières victimes de harcèlement scolaire, avec 27 % d’élèves de primaire concernés, 25 % des collégiens et 19 % des lycéens.
Quels sont les signes de harcèlement scolaire ?
Pour les parents et les enseignants, la clé est d’être vigilant et attentif aux signes potentiels, tels que des changements brusques dans le comportement de l’enfant : un retrait et repli sur soi, l’isolement, une chute des performances scolaires, des troubles du sommeil ou de l’alimentation.
En tant que parent, créer un climat de dialogue ouvert est fondamental pour que l’enfant se sente en sécurité pour partager ses difficultés. Lorsque l’enfant en parle à ses parents, ceux-ci doivent contacter l’établissement scolaire lequel doit prendre les mesures nécessaires.
J’insiste sur la réaction rapide et la coordination avec l'école pour mettre en place des mesures de protection.
Comment réagir ?
Encourager l'enfant à parler : que ce soit avec les parents, quelqu’un de la famille, un enseignant, le CPE ou un surveillant au collège ou même un ami de confiance afin que les adultes puissent intervenir.
Parfois, la victime peut hésiter pour plusieurs raisons :
Peur de représailles : peur que la situation empire si elle en parle.
Sentiment de honte et de culpabilité : le harcèlement sape l’estime de soi et peut amener l’enfant à penser qu’il est responsable de ce qu’il subit.
Peur de décevoir : les enfants craignent parfois d’inquiéter leurs parents ou d’affecter leur image.
Manque de confiance en les adultes : ils peuvent avoir l’impression que les adultes ne sauront pas gérer la situation efficacement.
Volonté de se débrouiller seul : surtout à l’adolescence, où le désir d’indépendance est fort.
Normalisation du harcèlement : certains enfants finissent par voir ces violences comme « normales » ou « inévitables ».
Lui rappeler qu'il n'est pas responsable de la situation, que celle-ci n’ a rien de normal et qu’il est nécessaire pour les adultes d’intervenir. Il s’agit de dissiper la peur et la honte souvent associées.
Faire appel à un professionnel : il est souvent nécessaire d’aller en parler avec un psychologue qui saura accueillir la souffrance et aidera à la verbalisation des émotions notamment faire comprendre à l’enfant qu’il a le droit d'être en colère, triste, ou d'avoir peur.
On pourra aussi aider à développer l'affirmation de soi. Par exemple, apprendre à dire
« stop » de manière claire et ferme peut l’aider à exprimer ses limites.
Appeler le 3018 : le numéro d'appel unique pour alerter et signaler les situations de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement endurées par des mineurs.
Ce qu’il ne faut pas faire : Certains parents sont tentés d’aller voir les élèves auteurs des faits et de les “menacer”. Il n'est pas conseillé de tenter de résoudre soi-même la situation et d'utiliser la violence, cela pourrait l’aggraver.
Pour les enseignants, il faut intervenir dès les premiers signes : prévenir les parents, le psychologue scolaire ou le médecin scolaire. L’idée est que tous les adultes qui gravitent autour de l’enfant se mobilisent pour prendre les mesures nécessaires, le soutenir et recréer un environnement plus sécurisant.
Porter plainte ? Si l’agresseur a plus de 13 ans, une plainte peut être déposée. En dessous de cet âge, seules des sanctions disciplinaires ou éducatives au sein de l’établissement scolaire sont possibles.
Que faire quand ça devient du cyberharcèlement ?
Le cyberharcèlement ajoute une dimension de violence constante : le sentiment d’être piégé est donc encore plus intense, car le harcèlement suit la victime en dehors des murs de l’école, jusque dans son espace privé, via les réseaux sociaux, ce qui lui enlève toute possibilité de refuge.. Les jeunes peuvent donc éprouver une perte totale de contrôle et se sentir enfermés dans une situation dont ils ne voient pas la sortie, ce qui les décourage de parler.
28 % des enfants (9-11 ans) ont déjà un compte sur les réseaux sociaux, alors que l’âge autorisé pour créer un profil sur la plupart des plateformes est de 13 ans et que l’autorisation des parents est obligatoire jusqu’à 15 ans.
Lors de cyberharcèlement, il est crucial de conserver les preuves (captures d'écran, messages) et d’en parler aux adultes, car cela peut impliquer des procédures juridiques. Pour les parents, le dialogue est essentiel pour comprendre les usages numériques de l’enfant et instaurer une relation de confiance où il peut parler sans crainte de réprimande. Je recommande également de sensibiliser l'enfant aux pratiques en ligne, à la protection de ses informations personnelles et aux limites à poser dans ses échanges sur les réseaux.
Comment prévenir le cyber-harcèlement ?
Contrôlez l'accès aux messageries et réseaux sociaux et installez un contrôle parental pour les plus jeunes afin de créer un espace sécurisé pour l’accompagner dans son apprentissage numérique.
Apprenez à votre enfant les bonnes pratiques numériques :
réfléchir avant de publier, liker ou partager un contenu,
sécuriser son profil et je être attentif aux « amis » virtuels qu’il ’accepte,
Expliquez-lui le phénomène du cyber-harcèlement pour éviter de le banaliser ce qui favorisera la parole
Donnez à votre enfant les bons réflexes pour agir : victime ou témoin, il doit se confier auprès d’un adulte et signaler.
Le 3018 permet aussi de faire supprimer comptes et contenus préjudiciables des principaux réseaux sociaux, sites et plateformes, car il a le statut de « signaleur de confiance ». Cette opération est réalisée dans des délais très courts, souvent moins d’une heure.
Comment l'école peut elle prévenir ? L'empathie s'apprend elle ?
Les cours d’empathie, pour être efficaces, ne doivent pas être structurés comme des cours traditionnels. L’empathie n'est pas une notion qui s'apprend par la théorie ou par une simple écoute passive. C'est une compétence qui se développe par des approches expérientielles, où les enfants sont pleinement engagés, en interaction, et dans une dynamique d’apprentissage actif : ateliers, mises en situations, des jeux de rôle assorties d’échanges et de discussions en classe.
Par exemple, le jeu des 3 figures de Serge Tisseron, permet aux enfants d’entrer dans les rôles de différents personnages : l’agresseur, la victime et le tiers (témoin, sauveur, etc). Ce jeu, qui est utilisé notamment dans des contextes pédagogiques et thérapeutiques, aide les enfants à explorer différents points de vue, à comprendre les émotions associées à chaque rôle et à réfléchir à ce qu’ils auraient ressenti ou fait dans cette situation. Cette approche active les centres émotionnels du cerveau, bien plus qu’un cours magistral.
Face au harcèlement scolaire, des modalités adaptées à chaque âge : Les exercices d’empathie doivent également s’adapter au développement émotionnel et cognitif des élèves. Par exemple :
En maternelle et début de primaire, les activités se baseront sur des jeux de rôle simples, des histoires imagées, ou des marionnettes pour montrer différentes émotions et réactions. L’objectif est de permettre aux enfants de nommer et de reconnaître les émotions, de comprendre les notions de gentillesse, d’entraide et de respect.
En fin de primaire et début de collège, les activités peuvent inclure des scénarios un peu plus complexes, où les élèves travaillent en groupes pour résoudre des conflits ou jouent des saynètes pour explorer des situations de la vie quotidienne. Ces mises en situation les aident à se mettre à la place des autres et à identifier les conséquences de leurs actes.
Au lycée, il devient possible d’aborder des réflexions éthiques philosophiques et de proposer des débats qui permettent aux adolescents de mieux comprendre les enjeux émotionnels et sociaux, d'identifier les dynamiques de groupe et de réfléchir à l'impact de la pression sociale sur le comportement.
Le rôle des enseignants et des médiateurs
Pour que ces activités aient un réel impact, il est essentiel qu’elles soient guidées par des enseignants ou des médiateurs formés à l’accompagnement de groupe. Leur rôle est de créer un cadre bienveillant où les élèves se sentent en sécurité pour s’exprimer, poser des questions, et apprendre des autres. Dans un cadre sécurisé, les enfants et adolescents sont plus enclins à explorer des sujets sensibles, comme la souffrance d’autrui ou les situations de conflit.
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