La peur du noir chez les enfants : comprendre et accompagner
- Laurence Roque-Barret
- 7 juin
- 4 min de lecture

1. Comment se manifeste la peur du noir chez les enfants ?
La peur du noir est une crainte très répandue entre 2 et 8 ans. Elle peut se manifester par des refus d’aller se coucher, une peur d’éteindre la lumière, des demandes répétées de présence parentale, des angoisses exprimées autour de monstres ou de bruits imaginaires.
Pour l’enfant, ces peurs sont bien réelles. Elles déclenchent parfois des pleurs, des crises ou un sommeil très agité.
2. Pourquoi le noir fait-il si peur ?
La peur du noir est en réalité une peur complexe. Les enfants n’ont pas peur du noir en lui-même, mais de ce que le noir vient activer : il agit comme un écran de projection. Lorsque l’environnement n’est plus visible, les repères sensoriels s’effacent. L’enfant ne peut plus s’appuyer sur sa perception pour contenir son imaginaire.
Dans la journée, ce monde interne est contenu par le réel : les stimulations visuelles, les interactions, les repères concrets. Mais dès que la lumière s’éteint, cet appui sur le monde visible, ce filet de sécurité perceptif disparaît, laissant place aux angoisses, à la solitude, voire à des peurs plus archaïques.
Par ailleurs, la peur du noir est souvent la face visible d’une autre peur sous-jacente : peur de la séparation avec les parents, refus dêtre tout seul dans son lit, vécus d’insécurité. Le coucher, en tant que moment de séparation, est particulièrement propice à ces réactivations.
Certains contenus vus dans la journée (histoires, écrans, disputes) peuvent alimenter son imaginaire anxieux.
3. Est-ce une peur normale ? Faut-il s’en inquiéter ?
Oui, elle est normale et attendue dans le développement de l’enfant. Elle témoigne de l’éveil de l’imaginaire, de la structuration psychique et d’un besoin de sécurité. Elle mérite cependant attention et accompagnement.
Elle peut devenir préoccupante si elle persiste après 7–8 ans ou si elle s’intensifie au point de perturber le sommeil, la vie familiale ou si elle s’associe à d'autres signes d’anxiété ou difficultés.
4. Comment aider un enfant qui a peur du noir ?
Voici quelques repères concrets, issus de la psychologie du développement :
🔹 Valider sans dramatiser
Évitez de nier la peur (« Ce n’est rien ») ou de vous moquer. Accueillez-la calmement : « Tu n’aimes pas quand il fait noir, je comprends. C’est différent quand on ne voit plus rien. »
🔹 Ritualiser et sécuriser le moment du coucher
Rituels stables, histoires douces, veilleuse faible, doudou : tous ces éléments aident l’enfant à se sentir contenu dans un cadre prévisible.
🔹 Apprendre à être seul, progressivement
La peur du noir est souvent liée à la solitude ressentie quand l’adulte quitte la pièce. L’enfant n’a pas encore acquis la certitude qu’il peut rester seul et que le lien avec le parent persiste malgré l’absence.
Il est donc essentiel de l’aider à tolérer la séparation nocturne en douceur. Cela peut passer par des petits temps seul dans sa chambre en journée, par exemple pendant qu’un parent est dans la pièce à côté, ou par une présence physique progressive le soir (l’adulte reste au début dans la pièce, puis dans le couloir, puis à distance…).
L’objectif est de construire une sécurité intérieure, qui permet à l’enfant de se sentir en lien avec le parent même lorsqu’il ne le voit pas.
🔹 Soutenir l’expression de ses peurs par le jeu ou le dessin
Jouer à faire parler la peur, dessiner le noir ou les monstres, inventer une histoire de courage… Le jeu symbolique est un outil thérapeutique naturel pour les enfants.
🔹 Éviter les stimulations anxiogènes en fin de journée
Les écrans, les histoires effrayantes ou les tensions familiales non verbalisées peuvent renforcer les angoisses.
🔹 Utiliser des albums qui aident à nommer et apprivoiser la peur.
📖 Un livre pour comprendre :
“La nuit, le noir” de Catherine Dolto (Mine de Rien) : Ce livre aborde la transition du jour à la nuit. Il explique pourquoi le noir peut effrayer et propose des moyens pour apprivoiser cette peur en mettant en lumière les aspects positifs de la nuit.
🌙 Livres doux et rassurants :
"Même pas peur du noir !" d’Audrey Poussier (École des Loisirs) : Un album simple et tendre qui montre un enfant prêt à affronter le noir... jusqu'à ce qu'il y entre vraiment. Un livre qui montre que la peur est normale, sans dramatiser.
"Il y a un cauchemar dans mon placard" de Mercer Mayer (Gallimard Jeunesse) : Un classique drôle et rassurant, où l’enfant affronte lui-même son monstre... qui finit par être plus attendrissant qu’effrayant.
👻 Livres avec des monstres rigolos ou dédramatisés :
"Le noir de la nuit" de Chris Hadfield & The Fan Brothers (Éditions Little Urban) : Inspiré de l'enfance de l'astronaute Chris Hadfield : l’histoire d’un enfant qui a peur du noir, jusqu’à ce qu’il découvre la beauté du ciel étoilé. Très poétique et rassurant.
"Même les monstres se brossent les dents" de Jessica Martinello (Éditions Glénat) : Pas centré uniquement sur la peur du noir, mais les illustrations et l’humour aident à apprivoiser les figures monstrueuses avec beaucoup de légèreté.
🧸 Un grand classique pour s'identifier :
"Max et Lili ont peur du noir" de Dominique de Saint Mars (Calligram) : Très accessible dès 6 ans, ce petit livre met en scène une situation du quotidien avec explications simples et discussions familiales possibles.
🛌 Pour accompagner un rituel du coucher
"Au lit, petit monstre !" de Mario Ramos (Pastel) : Un bon livre pour ritualiser le coucher et adoucir la présence des monstres (et du noir), avec humour et complicité.
"Bonne nuit tout le monde" de Chris Haughton (Éditions Thierry Magnier) : Sur un ton lent et apaisant, ce livre aide à apprivoiser l'endormissement et le noir à travers le rituel du coucher chez les animaux.
5. Et si la peur persiste ?
Si malgré tout l’accompagnement proposé, la peur reste très intense, perturbe durablement le sommeil ou s’associe à d’autres signes (troubles somatiques, repli, agressivité…), il peut être utile de consulter un psychologue. La peur du noir peut alors être le symptôme visible d’une difficulté plus profonde et nécessite une lecture plus fine du vécu émotionnel de l’enfant.
En résumé :
La peur du noir est une peur fréquente, normale dans le développement de l’enfant, elle reflète souvent une dynamique interne important. Plutôt que de la banaliser, il est essentiel d’en faire une opportunité d’écoute, de symbolisation et de contenance. Par votre présence, votre empathie et des rituels adaptés, vous aiderez votre enfant à construire peu à peu une sécurité intérieure durable.
Comments